Environnement et périmètre
Je vous propose de faire l'installation de djbdns sur une distribution debian de linux. Tout simplement car cette distribution est excellente pour l'installation de services sécurisés et fiables, et que l'installation d'applications y est plutôt simple. Dans ce tutoriel je me contenterai de vous parler de l'installation d'un serveur dns de domaine, c'est à dire du module tinydns de djbdns. Je vous invite à lire le site de djbdns si vous voulez installer un serveur de cache avec dnscache. Nous allons faire nos commandes en tant que root pendant l'installation, nos amis sous ubuntu pourront le faire grâce à la commande sudo, ou tout simplement en passant root avec sudo -s.
Conventions
Toutes les commandes unix utilisées utiliseront la typologie suivante encadrée sur fond noir :
# whoami
Je considèrerai par ailleurs que vous avez une relativement bonne connaissance des systèmes unix pour pouvoir comprendre les commandes que j'indiquerai, même si j'en explique la plupart. Il vous faudra aussi un minimum de connaissances sur l'application DNS.
Installation de djbdns
Installation des paquets
Depuis la release nouvelle version de Debian, la 6.0 Squeeze, djbdns a été retiré de la liste des packages. Il sera remplacé par dbndns, une version de djbdns à la sauce debian, dans une future version.
Nous allons donc récupérer la future version de djbdns sous forme de package, et nous allons l'installer comme un package normal.
Tout d'abord, il faut récupérer le package:
# cd /opt
# wget http://ftp.fr.debian.org/debian/pool/main/d/djbdns/dbndns_1.05-4+lenny1_i386.deb
Et on commence l'installation en récupérant les packages nécessaires au fonctionnement de djbdns.
On commence par mettre à jour notre liste locale (un bon réflexe à prendre)
# apt-get update
Et on installe la totale des packages liés à djbdns.
# apt-get install daemontools daemontools-run ucspi-tcp
daemontools est un ensemble d'application créé par D.J.Bernstein pour gérer les services unix, comme par exemple leur lancement ou les logs d'information.
ucspi-tcp fournit des outils permettant de créer des communication client-serveur de façon simple. C'est donc lui qui va servir à mettre notre application djbdns en écoute sur le réseau pour répondre aux requêtes dns.
Pour vérifier que vos paquets sont bien installés, vous pouvez tenter
# dpkg -l | grep daemon
Ce qui va lister tous les packages installés, mais n'afficher que les lignes qui contiennent la chaîne de caractères daemon
Vous devriez avoir un truc du genre :
ii daemontools 1:0.76-3 a collection of tools for managing UNIX services
ii daemontools-run 1:0.76-3 daemontools service supervision
Le ii indiquant bien que le paquet est sélectionné et installé.
Il nous reste à installer dbndns que nous avons récupéré.
# dpkg -i /opt/dbndns_1.05-4+lenny1_i386.deb
djbdns est installé !
Nous pouvons donc dès maintenant utiliser les commandes fournies avec djbdns, et nous n'allons pas nous en priver.
Création des utilisateurs
Comme djbdns a été pensé pour la sécurité, il ne tourne pas bêtement avec les droits root pour qu'en cas de compromission le vilain pirate ait encore un peu de boulot. Pour cela, il faut donc créer des comptes utilisateurs qui seront utilisés par djbdns pour lancer les services (root ne sera utilisé que temporairement pour lancer la socket réseau)
On prend par ailleurs bien garde à ne pas donner de shell valide à ces deux comptes en cas de compromission.
useradd -s /bin/false tinydns
useradd -s /bin/false dnslog
On peut vérifier que les comptes ont bien été créés en regardant le fichier /etc/passwd qui contient la liste des utilisateurs :
tail /etc/passwd
Et vous devriez voir quelque chose comme :
tinydns:x:1001:100::/home/tinydns:/bin/false
dnslog:x:1002:100::/home/dnslog:/bin/false
Ce qui prouve que vos utilisateurs sont bel et bien présents à l'appel.
Création des dossiers et répertoires
Nous allons utiliser la commande tinydns-conf qui va nous créer le répertoire de configuration de tinydns.
# tinydns-conf tinydns dnslog /etc/tinydns 192.168.0.1
Bien sûr, vous mettrez l'adresse IP de votre machine à la place de 192.168.0.1 .
Cette commande va créer tous les répertoires nécessaires au fonctionnement de tinydns dans /etc/tinydns. Le service sera lancé avec les droits de l'utilisateur indiqué dans la commande (tinydns ici) et chrooté dans le répertoire /etc/tinydns/root/. Si vous n'avez aucune idée de ce qu'est le chroot, sachez simplement que c'est une mesure de sécurité, ou faites des recherches dessus pour en savoir plus.
Elle va aussi créer des logs dans /etc/tinydns/log/main/ gérés par l'utilisateur dnslog. Vous pourrez ainsi y voir des messages d'erreur s'il y a un quelconque problème.
Lancement du service
Vous avez peut-être l'habitude de lancer des services sous linux avec des scripts de démarrage dans /etc/init.d/. Et bien pour tinydns, le mode de fonctionnement est extrêmement différent puisque le service est lancé est supervisé par daemontools qui a un fonctionnement original, mais très efficace et utile, notamment car il supervise un processus en permanence et tente de le relancer s'il est arrêté.
Nous allons créer un lien symbolique vers le répertoire d'installation de tinydns.
# mkdir /etc/service
# ln -s /etc/tinydns /etc/service/
On peut alors voir le lien créé :
# ls -la /etc/service/
lrwxrwxrwx 1 root root 12 2007-06-27 13:30 tinydns -> /etc/tinydns
Une fois que cela est fait, votre service est magiquement lancé !
Comment donc ? En fait, la commande svscan de daemontools scrute le répertoire /service et cherche dans les répertoires contenus un fichier run. Si ce fichier est présent, il l'exécute.
On peut voir le processus svscan lancé :
# ps auxw
root 2639 0.0 0.0 140 28 ? S 2007 0:05 svscan /etc/service
Dans notre cas, le répertoire /etc/service/tinydns/ contient le script run suivant :
#!/bin/sh
exec 2>&1
exec envuidgid tinydns envdir ./env softlimit -d300000 /usr/local/bin/tinydns
Dans le langage de daemontools, cela veut dire de lancer le programme /usr/local/bin/tinydns sous l'identité de tinydns en prenant en compte les variables du répertoire /etc/tinydns/env/. Donc si tout se passe bien, notre service est lancé. On peut le voir avec ps :
# ps auwx
root 2640 0.0 0.0 96 16 ? S 2007 0:00 readproctitle service errors: .......................................
root 2641 0.0 0.0 108 24 ? S 2007 0:00 supervise tinydns
Ou avec la commande adéquate :
# svstat /etc/service/*
/etc/service/tinydns: up (pid 2644) 61511978 seconds
Si vous voyez 0 ou 1 seconde, c'est mauvais signe, quelque chose se passe mal et tinydns redémarre en boucle. Dans ce cas allez voir les logs pour y trouver de l'information :
# tail -n 30 /etc/tinydns/log/main/current
Cela est souvent dû au fait d'avoir un problème de bind de la socket car l'adresse IP spécifiée n'existe pas ou un service DNS sur le port 53 UDP tourne déjà...
Et donc, si tout s'est bien passé, nous devrions voir le service en écoute sur la machine :
# netstat -anpe | grep 53
udp 0 0 88.191.51.73:53 0.0.0.0:* 0 3421 2644/tinydns
Cette commande affiche la liste des processus en écoute ainsi que le port et le protocole utilisés. Ici, tinydns est bien en écoute sur le port 53/UDP qui sert au DNS.
Configurer tinydns
Données de zone
Maintenant que nous avons vérifié que notre service était installé et qu'il était bien en écoute, il va nous falloir le configurer pour diffuser nos informations DNS.
Imaginons que nous possédions le domaine intechinfo.fr et que nous faisions tourner un serveur web, un serveur de messagerie et bien sûr, deux serveurs DNS. Nous allons voir comment configurer ce domaine sur notre serveur tinydns.
Préparation du fichier de zone
Les informations concernant notre zone vont se situer dans le fichier /etc/tinydns/root/data. Le format de ce fichier est un peu particulier. En gros, le premier caractère d'une ligne indique le type d'enregistrement DNS, et la suite le nom utilisé, l'adresse IP, etc.
Dans notre cas, il va nous falloir :
Un enregistrement SOA pour définir notre zone
Deux enregistrements NS pour nos deux serveurs dns de zone
Un enregistrement A pour notre serveur web
Un enregistrement MX pour notre serveur de messagerie
Un enregistrement A pour le nom de notre serveur de messagerie
Il y a deux façons de créer le fichier de zone.
En l'éditant directement à la main
En utilisant les commandes fournies par djbdns
Nous allons faire les deux pour en avoir un aperçu.
Configuration à l'aide des commandes djbdns
Nous avons plusieurs commandes utiles dans le répertoire /etc/tinydns/root/, donc le nom est évocateur :
add-ns (ajouter un serveur dns, soit un enregistrement NS)
add-alias (ajouter un alias, soit un enregistrement CNAME)
add-host (ajouter un host, soit un enregistrement A)
add-mx (ajouter un serveur de messagerie, soit un enregistrement MX)
add-childns (ajouter une zone fille, si on veut créer une sous-zone, par exemple etudiants.intechinfo.fr)
Nous allons donc les utiliser pour créer notre zone. En tapant la commande sans argument, nous obtenons une aide :
# cd /etc/tinydns/root
# ./add-ns
tinydns-edit: usage: tinydns-edit data data.new add [ns|childns|host|alias|mx] domain a.b.c.d
Nous pouvons maintenant ajouter nos serveurs dns :
# ./add-ns intechinfo.fr 192.168.0.1
Et voir le résultat dans le fichier data :
# cat data
.intechinfo.fr:192.168.0.1:a:259200
Le . en début de ligne indique un enregistrement NS, puis il y a l'adresse IP de ce serveur, le nom associé et le timeout associé à cet enregistrement (3 jours ici, en secondes)
Vous pouvez utiliser ces commandes à votre guise, et nous allons voir maintenant comment entrer les informations directement dans le fichier de zone.
Configuration à la main
La syntaxe du fichier data n'est pas très complexe, et son contenu est expliqué sur le site de D.J.Bernstein. Nous allons utiliser vi pour configurer notre fichier data :
# vi /etc/tinydns/root/data
Et entrer les informations suivantes :
Zintechinfo.fr:sd-8131.dedibox.fr:lalitte.esiea.fr:2005042201:::::
.intechinfo.fr:192.168.0.1:dns1.intechinfo.fr:259200
.intechinfo.fr:192.168.0.2:dns2.intechinfo.fr:259200
+intechinfo.fr:192.168.0.1:86400
+www.intechinfo.fr:192.168.0.1:86400
@intechinfo.fr:192.168.0.1:mail.intechinfo.fr::86400
Nous avons sur la première ligne l'enregistrement SOA, puis les deux enregistrements NS, deux enregistrements A pour le nom du domaine et le serveur web, et enfin un enregistrement MX pour le serveur de messagerie (l'enregistrement A pour le nom du serveur de messagerie est automatiquement créé, comme pour les enregistrements NS d'ailleurs)
Et voilà, nous sommes enfin prêts ! ou presque...
Car malheureusement, tinydns ne parle pas notre langage et le fichier data a besoin d'être compilé pour être compris par tinydns.
Compilation du fichier data
Pour compiler, rien de plus simple, il suffit de faire la commande make (en étant dans le répertoire /etc/tinydns/root/)
# cd /etc/tinydns/root/
# make
Vous devriez avoir un nouveau fichier data.cdb qui est apparu :
# ls -la
drwxr-sr-x 2 root root 4096 2009-10-26 14:22 .
drwxr-sr-t 6 root root 4096 2007-06-27 17:54 ..
-rwxr-xr-x 1 root root 77 2007-06-27 17:54 add-alias
-rwxr-xr-x 1 root root 79 2007-06-27 17:54 add-childns
-rwxr-xr-x 1 root root 76 2007-06-27 17:54 add-host
-rwxr-xr-x 1 root root 74 2007-06-27 17:54 add-mx
-rwxr-xr-x 1 root root 74 2007-06-27 17:54 add-ns
-rw-r--r-- 1 root root 16620 2009-10-26 14:22 data
-rw-r--r-- 1 root root 39460 2009-09-08 10:52 data.cdb
-rw-r--r-- 1 root root 234 2008-06-23 18:17 Makefile
Ce fichier est illisible, mais il contient les données compilées du fichier data.
Nous pouvons maintenant tester si notre serveur dns répond bien à des requêtes pour notre domaine.
Interrogation du serveur
Il y a de nombreux outils pour interroger un serveur dns. host ou dig sous unix sont excellent pour cela, nous allons donc utiliser la commande dig. La syntaxe est relativement simple :
dig @@IPserveur requête type
Attention, il faut bien indiquer le @ suivi de l'adresse Ip du serveur ! Ce qui donne par exemple pour faire une requête NS sur notre serveur pour le domaine intechinfo.fr
# dig @192.168.0.1 intechinfo.fr NS
; <<>> DiG 9.3.4 <<>> @192.168.0.1. intechinfo.fr NS
; (1 server found)
;; global options: printcmd
;; Got answer:
;; ->>HEADER<<- opcode: QUERY, status: NOERROR, id: 56372
;; flags: qr aa rd; QUERY: 1, ANSWER: 2, AUTHORITY: 0, ADDITIONAL: 3
;; QUESTION SECTION:
;intechinfo.fr. IN NS
;; ANSWER SECTION:
intechinfo.fr. 259200 IN NS ns1.intechinfo.fr.
intechinfo.fr. 259200 IN NS ns2.intechinfo.fr.
;; ADDITIONAL SECTION:
ns1.intechinfo.fr. 259200 IN A 192.168.0.1
ns2.intechinfo.fr. 259200 IN A 192.168.0.2
;; Query time: 1 msec
;; SERVER: 192.168.0.1#53(192.168.0.1)
;; WHEN: Mon Oct 26 14:49:22 2009
;; MSG SIZE rcvd: 127
Ça marche ! Notre serveur répond bien pour notre zone intechinfo.fr.
Arrêter ou relancer le service
Normalement, si vous avez fait l'installation avec apt, un script de démarrage aura été placé dans /etc/init.d et vous pourrez facilement relancer tinydns comme d'habitude sous Debian avec un bon :
# /etc/init.d/tinydns restart
Mais si vous l'avez installé par compilation, ou que vous voulez respecter l'esprit de D.J.Bernstein, vous pouvez utiliser les commandes sv* pour gérer votre processus tinydns.
Pour arrêter le service :
svc -d /service/tinydns
Pour le relancer :
svc -u /service/tinydns
Pour recharger la configuration :
svc -h /service/tinydns
Il ne nous reste plus qu'à acheter un nom de domaine et à le gérer !
Pour ceux qui ont l'habitude de bind, djbdns est très déroutant car différent, aussi bien dans son installation que sa configuration ou son fonctionnement.
Cependant, cela vaut le coup de s'y essayer, surtout quand on voit les failles successives auxquelles bind a encore affaire...